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Aucune réaction des parents ni des autorités : quel avenir pour les sept mineurs à Ibiza ?

Ce qui a particulièrement attiré l’attention dans les vidéos partagées sur les réseaux sociaux concernant l’incident de la “harga” (migration clandestine) de sept mineurs algériens originaires de Tamentfoust (Est d’Alger), arrivés sur les côtes d’Ibiza en Espagne, mercredi dernier, c’est leur connaissance étonnante de leur statut juridique une fois arrêtés par la police espagnole et placés dans un centre d’accueil pour mineurs. Ils savaient qu’ils avaient de fortes chances de rester en Espagne du fait de ce statut, bénéficiant ainsi d’une prise en charge sociale, psychologique et éducative jusqu’à leur majorité, avec possibilité d’obtenir ensuite un titre de séjour à long terme.

Au-delà de leur connaissance de leurs droits dans un pays étranger — ce qui peut sembler surprenant —, la loi espagnole garantit effectivement tout ce qu’ils ont mentionné.

En effet, l’Espagne applique dans ce genre de situations la Loi organique 4/2000 sur les droits et libertés des étrangers en Espagne, qui garantit le droit à l’éducation, aux soins, à l’assistance juridique, ainsi que le droit à la réunion et d’association. Cette loi encadre également les conditions de résidence et de travail, et prévoit les procédures d’expulsion. Cependant, dans le cas des mineurs non accompagnés, elle interdit leur expulsion sauf si un retour dans leur famille ou dans un établissement d’accueil approprié dans leur pays d’origine peut être pleinement garanti, avec priorité donnée à l’intérêt supérieur de l’enfant.

À cela s’ajoute la Loi organique 1/1996 sur la protection juridique du mineur, modifiée par la Loi organique 26/2015, qui établit le cadre général de la protection de l’enfance en Espagne. Cette loi stipule que l’intérêt supérieur de l’enfant doit primer dans toutes les décisions le concernant, lui accordant aussi le droit d’être entendu et pris en considération dans les procédures qui le concernent.

Cette législation encadre également le travail des services de protection sociale, comme l’accueil, la prise en charge, l’adoption, la protection contre la violence, l’interdiction de détention avec des adultes ou le traitement de  migrant en situation irrégulière.

L’Espagne est aussi signataire de la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant (1989).

Le phénomène en forte croissance

Selon les chiffres officiels rapportés par la radio espagnole Cadena SER le 5 septembre, le nombre de mineurs étrangers non accompagnés arrivés clandestinement, par “patera” (barques de fortune) ou d’autres moyens maritimes précaires, a triplé en 2024, atteignant 16 041 mineurs.

Leur nombre est passé de 2 375 en 2022, à 4 865 en 2023, puis 5 922 en 2024, soit une augmentation de 149 % en trois ans. La majorité sont des garçons (5 291), mais le nombre de filles a aussi triplé, passant de 238 en 2023 à 631 en 2024.

En 2024, la majorité des mineurs arrivés seuls sont originaires du Maroc (1 834), suivis par le Mali (1 190), l’Algérie (1 006) et le Sénégal (687).

Des procédures complexes de retour

Le rapport indique également que la détermination de l’âge de ces mineurs prend du temps, faute de moyens humains et matériels suffisants pour faire face au volume de travail lié à l’identification d’étrangers sans papiers. Le parquet espagnol a d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme face à la surcharge des centres d’accueil malgré l’ouverture de nouveaux espaces.

Selon la loi espagnole, le retour dans leur pays d’origine de ces mineurs est possible, mais il n’est ni automatique ni facile. Il est soumis à des conditions strictes visant à garantir que le retour se fasse dans l’intérêt de l’enfant.

La procédure commence par la détermination de l’âge (analyses médicales), puis l’identification. Les autorités espagnoles informent alors le consulat du pays d’origine via les ministères de l’Intérieur et de l’Inclusion sociale. On vérifie ensuite l’existence d’une famille apte à les accueillir.

Mais, même si la famille demande le retour, la décision ne dépend pas uniquement de sa volonté : il faut prouver que le retour ne mettra pas l’enfant en danger, qu’il ne souffrira pas de négligence, de pauvreté extrême, ou de violence. L’Espagne exige des garanties concrètes (logement, éducation, protection…) validées par des rapports sociaux, en coopération avec les autorités du pays d’origine. Si un doute subsiste, le retour est refusé.

La décision finale revient à un juge des mineurs et aux institutions de protection de l’enfance. En attendant, la tutelle temporaire de l’enfant est confiée à l’État espagnol.

Selon les rapports espagnols, le retour des mineurs à leur famille est rare. Entre 2021 et 2023, l’Espagne a accueilli plus de 10 000 mineurs non accompagnés, mais seulement 5 d’entre eux ont été renvoyés dans leur famille, soit 0,05 % du total.

Parmi ces rares cas, un mineur algérien détenu dans un centre à Algeciras a vu le Comité des droits de l’enfant des Nations unies s’opposer à son expulsion vers l’Algérie, ordonnant son transfert vers un centre de protection de l’enfance.

La question cruciale dans le cas des 7 mineurs algériens est : quelle est la position de leurs familles ? Une semaine est passée depuis leur disparition, aucune réaction des parents. Ont-ils signalé leur disparition ? Les autorités les ont-elles contactés ? Étaient-ils au courant du projet de fuite de leurs enfants ? Ont-ils des contacts avec eux via Internet ?

Parallèlement, aucune réaction officielle des autorités, notamment les services de sécurité. Même l’information qui a circulé sur l’arrestation du propriétaire du bateau n’a pas été confirmée. Les canaux officiels n’ont rien publié à ce sujet, ce qui est rare dans de tels cas. D’habitude, le parquet réagit avec des communiqués même pour des incidents de moindre importance.

Autre question : nos représentants diplomatiques se sont-ils déplacés pour s’enquérir de la situation de ces enfants ?

Autant de zones d’ombre qui rendent cette affaire encore plus troublante. L’émotion qu’elle suscite chez les Algériens semble prendre de l’ampleur jour après jour, comme une boule de neige.

Mahdi Berrached

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