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Situation des handicapés en Algérie : Entre marginalisation, parcours difficiles et dédain

L’affaire de l’accueil scandaleux des athlètes paralympiques à leur retour au pays après leur honorable prestation aux jeux de Tokyo a fait grand bruit. Des têtes au ministère des Sports sont déjà tombées. L’incident révèle le traitement dédaigneux que subissent les handicapés au quotidien en Algérie.  

L’image a soulevé le cœur de tous les Algériens. De retour au pays et après avoir brillamment défendu les couleurs nationales, les athlètes paralympiques ont été transportés dans un vieux bus non aménagé pour personnes à mobilité réduite. Ils n’ont bénéficié d’aucun accueil officiel ni populaire alors qu’ils ont ramené une belle moisson de médailles et de records au pays.

Le ministre de la Jeunesse et des sports a réagi très tardivement en affirmant, comme s’il n’était pas le premier responsable du secteur, «je jure par Dieu que j’ai été choqué quand j’ai vu cette scène et me suis demandé si nous étions en 2021 ou avant Jésus-Christ». Pour se justifier, Abderrazak Sebgag qui a été directeur général du Pèlerinage et de l’Omra au ministère des Affaires religieuses, donc habitué à la logistique et aux déplacements des groupes, a expliqué le ratage de son staff par la faiblesse des moyens techniques. Il a toutefois reconnu qu’il «fallait prévoir ça» avant de proférer une vérité de débutant : «gérer, c’est prévoir». Il a enfin annoncé des sanctions administratives contre certains de ses collaborateurs défaillants à ses yeux mais n’a pas présenté ses excuses.  

Aussitôt dit aussitôt fait, Le Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane a mis fin aux fonctions du Secrétaire général du ministère de la Jeunesse et des sports et du directeur général des Sports au même ministère, «pour négligence dans l’accomplissement de leurs missions et manquement à l’obligation de l’accueil des athlètes, après leur participation aux jeux paralympiques à Tokyo (Japon)». Le communiqué du gouvernement a précisé, en outre, «la poursuite de l’enquête afin de demander des comptes à chaque responsable impliqué dans cet incident». Pour l’instant, le ministre de la Jeunesse et des sports garde son poste.

Le traitement humiliant subi par les sportifs olympiques constitue le paroxysme du dédain que vivent, au quotidien, les handicapés en Algérie. Formant une population de plus de 2 millions d’âmes, ils sont considérés comme des citoyens de seconde zone et bénéficient de peu de facilité.

Les espaces et les transports publics ne sont pas pensés pour eux et lorsque l’un d’eux se déplace en fauteuil roulant ou avec des béquilles, il doit effectuer un parcours du combattant. Les trottoirs et les escaliers sont de véritables obstacles qui rendent difficiles les mouvements de cette catégorie de citoyens. L’absence d’ascenseurs, dans les immeubles d’habitation et les administrations, accentue cette épreuve.

Sur le plan social, une prime de quatre mille dinars est allouée aux personnes souffrant d’incapacité à 100% et de trois mille à ceux atteint d’une invalidité à 80%, soit «l’équivalent de la pitance mensuelle d’un canari», comme a ironisé l’un d’eux. Pour trouver du travail, les handicapés même légers ne sont pas favorisés, à l’instar de ce qui se passe dans les pays avancés, par une législation qui motive les entreprises ou leur impose un quota à recruter au sein de cette population.

L’Onabros, la société publique, qui produisait des balais et des brosses de haute qualité en crin et d’autres fibres végétales, a fermé ses portes en 2010. Au chômage collectif, les non-voyants qui y travaillaient se rassemblent, depuis, au niveau leurs unités d’El Harrach et d’Oran dans une sorte de protestation silencieuse.

Pour justifier l’arrêt de ces unités l’ancien ministre de la Solidarité, Djamel Ould-Abbès, aujourd’hui en prison pour diverses malversations, avait expliqué que «l’ouverture du marché a mis sur les étals des produits de meilleure qualité pour beaucoup moins cher. Chaque année, le département de la Solidarité versait 16 milliards de centimes pour les salaires des travailleurs, en plus d’une subvention de 8,5 milliards pour maintenir les usines sous perfusion». Il avait précisé qu’entre 2001 et 2009, l’Etat a déboursé près de 147 milliards de centimes pour ce faire. «Les travailleurs non voyants étaient là à recevoir leur salaire alors qu’ils ne travaillaient plus. C’est pour préserver la dignité des travailleurs que nous avons fermé les usines».

Aux dernières nouvelles, les balais et les brosses traditionnels comme ceux fabriqués par l’Onabros sont revenus à la mode, notamment en France, où ils sont recherchés en tant qu’objets de décoration très tendance.

Mohamed Badaoui

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