LA NATION Quotidien National D'information
Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a effectué mardi une visite en Algérie. Après s’être entretenu avec son homologue algérien, Ramtane Lamamra, le ministre russe a été reçu par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune au siège de la présidence de la République.
Dans une déclaration à la presse, M. Lavrov a affirmé que « dans le souci de développer nos relations dans les domaines politique, de coopération économique, militaire et humanitaire, nous avons transmis au Président Tebboune l‘invitation du Président Poutine pour effectuer une visite à Moscou».
A propos du conflit avec l’Ukraine, Lavrov dira que la Russie « (…) apprécie la position algérienne et arabe équilibrée et objective vis-à-vis des développements en Ukraine.»
«Nous travaillerons avec diligence pour empêcher l’établissement d’un monde unipolaire et la destruction des fondations de l’ONU,» a-t-il conclu.
Force est de constater que la position de l’Algérie a discrètement évolué depuis le déclenchement des hostilités. Deux étapes ont montré clairement la courbe de cette évolution. La première concerne l’abstention de l’Algérie lors d’une Assemblée générale des Nations-unies sur la guerre en Ukraine. L’attitude de l’Algérie a été qualifiée de neutralité par les médias et les chancelleries étrangers. « L’Algérie a adopté une posture de neutralité non déclarée qui conforte ses intérêts diplomatiques et économiques mutuels avec, d’un côté, la Russie, qui est un allié stratégique, et, de l’autre, l’Europe, qui est un partenaire naturel et géographique», a écrit l’hebdomadaire Jeune Afrique.
Entre les deux étapes, une grande confusion s’est installée après les déclarations mal interprétées du patron de Sonatrach sur la disponibilité de l’Algérie à fournir plus de gaz à l’Europe, alors que la Russie menaçait de fermer les vannes.
Dans une deuxième étape, l’Algérie a voté clairement contre l’exclusion de la Russie du conseil onusien des droits de l’Homme. Le représentant de l’Algérie a, en effet, émis des réserves sur la véracité des images montrant des exactions à l’encontre des populations civiles ukrainiennes imputées à l’armée russe.
“En dépit de la cruauté des images relayées sur certaines villes ukrainiennes qui doivent être condamnées dans les termes les plus vifs et les crimes présumés qui en découlent d’une extrême gravité, il est plus qu’impératif de permettre aux mécanismes onusiens compétents d’enquêter sur ces faits sur le terrain de manière neutre et impartial afin de rendre justice à toutes les victimes”, a-t-il soutenu.
Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts de la région. L’Espagne, un client de premier ordre du gaz algérien, a amorcé un virage de 180 degrés concernant le conflit du Sahara occidental en faveur du Maroc. Cette position est perçue à Alger comme une trahison de la cause sahraouie, d’une part, et d’autre part, un moyen de pression sur l’Algérie et sa position en faveur de la Russie.
La diplomatie américaine a, de son côté, tenté d’infléchir la position de l’Algérie. En visite éclair à Alger, le secrétaire d’Etat, Antony Blinken a déclaré, lors d’une conférence de presse : “Dans le cas de l’Ukraine, il y a un agresseur évident et une victime évidente et il est important de se tenir aux côtés de la victime”.
La visite de Blinken est intervenue alors que l’Algérie a signifié clairement qu’elle ne compte pas jouer les trouble-fêtes dans la question du gaz. Dans les jours qui ont suivi la visite du patron de la diplomatie américaine, l’Algérie n’a pas caché son amitié avec la Russie, ni cette dernière avec l’Algérie. L’agence APS a même fait état d’une conversation téléphonique entre les présidents des deux pays.
Hamma Sadek
