Union Africaine : le sommet de tous les dangers

Les dirigeants africains se retrouveront les 5 et 6 février à Addis Abeba lors d’un Sommet qui promet d’être houleux notamment à cause de la question de l’admission d’Israël comme membre observateur au sein de l’organisation.

Après avoir perturbé l’équilibre du Moyen-Orient pendant plus de sept décennies, Israël semble vouloir exporter son «savoir-faire» vers l’Afrique, en particulier au Maghreb. Etant maintenant rassuré par l’allégeance témoignée à son égard par plusieurs Etats arabes qui ont troqué leur soutien à la cause palestinienne contre de nouvelles amours avec leur ennemi d’hier, Tel-Aviv cherche à acquérir une plus grande légitimité géopolitique. C’est ainsi que l’Etat sioniste a convaincu le Tchadien Moussa Faki, président de la Commission de l’Union Africaine (UA), de l’admettre en tant que membre observateur de l’organisation. Ce coup de tonnerre, qui a eu lieu le 22 juillet dernier, a provoqué d’abord une réaction consternée dans plusieurs capitales du continent puis, à la fin du mois d’août, la protestation de sept pays, dont l’Algérie.

Fondée sur les valeurs de l’anticolonialisme et de la lutte contre l’Apartheid, l’UA a pourtant toujours soutenu les droits des Palestiniens. Comment un de ses premiers responsables a-t-il pu décider, apparemment de son propre chef, d’octroyer un siège d’observateur à un pouvoir colonial et expansionniste ? Cette question taraude l’esprit des analystes dont certains croient que l’opération a reçu l’aval d’un cercle géopolitique bien plus large qui regroupe même des pays de la région. Cela préfigure du destin que de grands intérêts préparent pour l’Afrique.

Toutefois, la faveur accordée par Faki à Israël a suscité une levée de boucliers des pays qui ne transigent pas avec les droits des peuples opprimés. Ainsi, sous la férule de l’Algérie et de l’Afrique du Sud, deux géants continentaux qui savent ce que la domination signifie, la question a été inscrite au Sommet des chefs d’Etat africains qui se tiendra les 5 et 6 février à Addis Abeba.

Le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, qui se trouve actuellement dans la capitale éthiopienne a déclaré «le débat de plusieurs heures que les ministres africains des Affaires étrangères viennent d’avoir sur la question controversée du statut d’observateur accordé à Israël par Moussa Faki a mis en évidence une profonde division des Etats membres de l’Union africaine». Ces propos lourds de sens renseignent sur la tension qui prévaut au sein de l’organisation ainsi que sur les manœuvres de division qui la visent de l’extérieur pour réduire son poids géopolitique et décisif sur le devenir du continent. L’ingénierie d’Israël et de ses alliés, notamment arabes et africains, apparaît donc au grand jour.

Lamamra pressent d’ailleurs la difficulté de préserver l’unité de l’UA sous la menace de l’infiltration d’Israël dans ses rangs. Il espère «un sursaut salutaire d’une Afrique digne de son histoire » ce qui lui évitera, selon lui, «une cassure irrattrapable».

L’Algérie n’a cessé de mettre en garde contre l’entrisme d’Israël d’abord, dans le Monde arabe où ses agents ont réussi à retourner quelques dirigeants dans le sens de leur politique. Elle se sent directement ciblée par cette stratégie puisque le Maroc a non seulement normalisé ses relations avec Tel-Aviv, mais également conclu des accords sécuritaires avec le gouvernement sioniste.

Faisant de la question palestinienne un principe non négociable, l’Algérie continue même contre vents et marées de défendre le droit de ce peuple qui subit l’injustice et la spoliation de ses terres sous l’indifférence internationale.

En tout état de cause, le Sommet d’Addis Abeba, qui promet d’être houleux, permettra de savoir jusqu’à quel degré l’Afrique est consciente de l’enjeu qu’elle constitue et des desseins que certaines forces trament pour s’emparer de son futur.

Ali Younsi-Massi