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Sommet arabe d’Alger : il était une fois “le Front de la fermeté”

 Le Monde arabe passe par de profondes mutations idéologiques, géopolitiques et économiques. Il vit aussi à l’aune des conséquences de la guerre non déclarée entre la Russie et l’Occident. Le sommet d’Alger sera le reflet de cette conjoncture.

Le 5 décembre 1977, dans la capitale libyenne Tripoli, les dirigeants de l’Algérie, de la Libye, de l’Irak, de la Syrie, du Yémen du Sud et de l’Organisation de libération de la Palestine ont créé le «Front de la fermeté» pour s’opposer à la politique de normalisation avec Israël, menée par l’Egypte.

La visite officielle effectuée, 19 novembre 1977, par Anouar El Sadate à Tel-Aviv pour rencontrer son premier ministre Menahem Begin et prononcer un discours devant la Knesset à Jérusalem a été vécue dans le Monde Arabe comme l’ultime trahison. Houari Boumediene, Mouammar El Gueddafi, Hafez El Assad, Ahmed Hassan Al Bakr, Ahmed El Ghachmi, ainsi que Yasser Arafat ont décidé d’agir de manière rapide et forte contre l’initiative du président égyptien en expulsant son pays de la Ligue arabe.

En pleine Guerre froide, au paroxysme de l’opposition est-ouest, les républiques arabes étaient animées par une verve anti-impérialiste et faisaient de la question palestinienne un pilier essentiel de leur politique. Les monarchies, elles, observaient une réserve au regard de leurs liens stratégiques avec les Etats-Unis d’Amérique et de l’Occident en général puisqu’elles se méfiaient de l’idéologie communiste de l’Union soviétique mais aussi de l’hégémonie des cadors révolutionnaires de la région.   

Alger organise le deuxième sommet du «Front de la fermeté»

Le deuxième sommet du «Front de la fermeté» s’est tenu à Alger, les 2 et 3 février 1978. Avant cela, feu Houari Boumediène a fait une grande tournée dans la plupart des capitales du Proche-Orient, ainsi qu’à Moscou et à Belgrade. Son but était de réunir le maximum de soutien à la coalition qui s’est formée pour abroger la paix des braves que Sadate avait choisie au détriment des Palestiniens. Evidemment, à l’époque, la cause était sacrée pour tous les Arabes mais avec des degrés d’engagement différents.

La rencontre d’Alger a même permis le rapprochement entre la Syrie et l’Irak dont les relations étaient assez tendues pour des raisons idéologiques, des intérêts divergents et des rivalités de leadership. La perspective d’une capitulation du Monde arabe face à Israël inaugurée, pensait-on, par le président égyptien a raffermi les rangs des chefs d’Etats contestataires.

Anouar El Sadate a été assassiné l’année suivante par des activistes islamistes. Son successeur Hosni Moubarak n’a pas dénoncé les accords conclus avec l’ennemi d’hier. Houari Boumediene est mort de maladie également en 1978. Il était l’un des principaux leaders et probablement le moteur du Front qui a, peu à peu, tiédi pour finalement disparaître.

D’autres changements ont eu lieu plus tard, rendant obsolète le conglomérat arabe. L’Irak de Saddam Hussein a lancé une guerre qui a duré une décennie contre l’Iran avant d’envahir le Koweït en 1991 et subir à son tour une attaque internationale sous la conduite de Washington. Mouammar El Gueddafi s’est tourné vers l’Afrique qu’il voulait unir. Le Yémen du Sud tenait d’un air toujours méfiant celui du Nord avant de sceller la réunification de ces deux parties en 1990. L’Algérie a eu, pour sa part, de très grandes difficultés économiques à partir de 1986 et une décennie de terrorisme à partir de 1992. L’Organisation de libération de la Palestine a été contrainte de signer des accords de paix avec Israël.

Vent de révoltes

A partir de 2011, un vent de révoltes a soufflé sur le monde arabe. Qualifié de «Printemps» par la presse occidentale, la lame de fond qui a démarré en Tunisie a emporté plusieurs républiques de la région et, hormis l’Algérie, tous les Etats du «Front de la fermeté». La Libye a été démolie et El Gueddafi a été assassiné de manière atroce. L’Irak qui sortait d’une guerre contre une large coalition a sombré dans une violence innommable, la Syrie a explosé en plusieurs morceaux et vit toujours sous la menace des groupes terroristes et d’un risque de partition de son territoire. Le Yémen, pour sa part, subit une guerre destructrice menée depuis 2014 par l’Arabie Saoudite et ses alliés du Golfe.

Le Sommet arabe d’Alger sera organisé, après un premier report, alors que ces questions demeurent vivaces. Il intervient après un renversement des pôles dans la région. Riches, économiquement développés et maintenant sûr d’eux-mêmes, les pays du Golfe, en particulier l’Arabie Saoudite, se sentent en droit d’imposer leurs desideratas aux régimes républicains.

C’est dans ce contexte qu’il faut peut-être comprendre la défection de Mohamed Ben Salmane à la réunion du 1er au 2 novembre dont l’Algérie désire faire une occasion de conciliation et de rassemblement.

Ali Younsi-Massi

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