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La livre turque atteint son plus bas niveau historique

La livre turque lâche plus de 1,1% ce mardi et s’échange pour la première fois de son histoire contre 8,19 dollars, plombée par une combinaison de tensions géopolitiques croissantes et de préoccupations concernant la gestion de l’économie du pays. L’indice de référence de la Bourse d’Istanbul, le Bist 100, vacille aussi.

Dégringolade historique pour la devise turque, mise sous pression par le récent (et violent) regain de tensions diplomatiques entre Istanbul, l’Europe et les États-Unis. La livre turque lâche ainsi 1,53% face au billet vert à 16h25, à 8,08 dollars (-26,6% depuis le 1er janvier) et 1,14% face à la monnaie unique européenne, à 9,55 euros (-30,3% depuis le début de l’année), des niveaux jamais atteints auparavant. Parmi les monnaies des grands pays émergents, la livre turque affiche ainsi le deuxième plus important repli en 2020, derrière le real brésilien (-28,5% face au dollar) et le peso argentin (-23,4%), comme le rappellent Les Echos.

En parallèle à cette chute, l’échantillon principal de la Bourse d’Istanbul, le BIST 100, dévisse de 3,65% à 1.257,68 points, au plus bas depuis un mois (+0% depuis janvier). Une réaction qui reflète le manque de confiance des marchés. Car si d’un côté une monnaie dévaluée peut être favorable aux sociétés exportatrices (et donc à leurs cours en Bourse), cela entraîne aussi un renchérissement des importations. En outre, la situation actuelle pourrait entraîner un ralentissement des échanges commerciaux entre la Turquie et l’Europe. Ce que sanctionne aussi la Bourse.

Erdogan tape sur l’Occident et se met les marchés à dos

Le plongeon de la monnaie turque intervient alors que Recep Tayyip Erdogan a lancé, au cours du week-end, de virulentes attaques contre Paris et Washington notamment. La France a rappelé dimanche son ambassadeur à Ankara après que le président turc a déclaré qu’Emmanuel Macron “avait besoin d’un traitement mental” en réponse aux commentaires du président français sur l’islam et les caricatures de Mahomet. Puis lors d’un discours à Ankara ce lundi, le dirigeant est allé encore plus loin en comparant le traitement des musulmans en Europe à celui des juifs avant la Deuxième Guerre mondiale, accusant certains dirigeants européens de “fascisme” et de “nazisme”. Il a aussi appelé ses compatriotes à boycotter les produits français.

Cela a suscité une vague de réactions indignées de dirigeants européens, à l’instar du Premier ministre italien Giuseppe Conte qui a condamné des propos “inacceptables” ou du président du Conseil européen Charles Michel qui a accusé dimanche la Turquie de recourir à “des provocations, des actions unilatérales en Méditerranée (la Turquie a de nouveau prolongé dimanche la mission d’un navire d’exploration gazière dans une zone maritime qu’elle se dispute avec la Grèce, faisant fi des appels de l’Occident à retirer ce bateau, NDLR) et maintenant à des insultes”. “C’est inacceptable”, a-t-il écrit sur Twitter.

Recep Erdogan défie par ailleurs les États-Unis de donner suite à ce qu’il a qualifié de menaces de sanctions à l’encontre du pays en raison de son rôle dans la reprise des combats dans la région contestée du Haut-Karabakh, dans le Caucase. Ankara a fourni des armes et offert un soutien politique fort aux forces armées d’Azerbaïdjan, qui combattent les soldats arméniens dans la région. Washington a également récemment et à plusieurs reprises menacé d’imposer des sanctions à la Turquie, membre de l’OTAN, en représailles à son achat d’un système de défense aérienne S-400 de fabrication russe. “Vous ne réalisez pas à qui vous avez affaire”, a prévenu le président turc dans un discours prononcé dimanche. “Quelles que soient vos sanctions, ne soyez pas en retard” a-t-il ajouté.

Risque d’inflation chronique

Aux tensions géopolitiques croissantes entre la Turquie et l’Occident viennent s’ajouter les préoccupations des économistes quant à la gestion de l’économie du pays. La baisse continue de la monnaie risque en effet d’alimenter l’inflation chronique qui a encore atteint 11,75% en septembre, ce qui pèse lourdement sur le bilan des entreprises endettées en devises étrangères.

La chute de la livre illustre aussi la défiance accentuée ces dernières années entre les marchés et Ankara, notamment depuis une tentative de putsch en 2016 qui a été suivie d’une ferme reprise en main des affaires économiques par Recep Erdogan. Le président turc a ainsi acquis un contrôle sans précédent sur les institutions du pays, y compris sur la Banque centrale théoriquement indépendante. Ce tour de vis s’est traduit par le maintien et plusieurs baisses du principal taux directeur de la Banque centrale depuis un an, au grand dam des économistes qui exhortent le pays à relever ses taux pour endiguer l’inflation.

Recep Erdogan s’oppose fermement à toute hausse des taux d’intérêt, qu’il a qualifiée de “mère et père de tous les maux”. Et alors que sa position semblait enfin infléchir sur ce sujet, comme l’a laissé penser la brusque remontée du principal taux d’intérêt de 8,25% à 10,25% décidée le mois dernier, le maintien à ce taux décidé la semaine dernière a de nouveau déçu le marché.

Incapables de freiner la chute de leur devise, les autorités turques ont pourtant dépensé environ 134 milliards de dollars au cours des 18 derniers mois pour tenter de la soutenir, selon une estimation de Goldman Sachs. Cet effort a fait payer un lourd tribut aux réserves de devises étrangères du pays, et Moody’s a averti le mois dernier qu’Ankara avait “presque épuisé les réserves qui lui permettraient d’éviter une éventuelle crise de la balance des paiements”. Ce qui fait dire au directeur général de Rexecode Denis Ferrand que la Turquie est “toujours plus près d’une crise de change”. “Les réserves en devises ne couvrent plus que deux mois et demi d’importations (contre 2,2 en septembre). Au plus bas depuis 1994 et la forte dépréciation de la livre intervenue alors” rappelle-t-il.

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