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Front social : le ramadan commence dans la tristesse

Abstinence, manque de sommeil, accidents de la route, détérioration du pouvoir d’achat mais aussi une profonde tristesse, marqueront le mois sacré de cette année.  

Le ramadan a débuté hier dans une Algérie encore sous le choc de la disqualification de son équipe nationale de football aux éliminatoires de la coupe du monde 2022. Le drame a eu lieu à l’issue d’un match traumatisant conduit, aux yeux des supporters et des commentateurs, avec partialité voire cynisme par l’arbitre gambien Bakary Gassama. Certains ont même suspecté l’homme d’avoir délibérément saboté les Verts dans le cadre d’un complot ourdi dans les coulisses de la Confédération africaine de football ou même la Fifa. Ils ont vu dans son attitude qualifiée, ici et là, d’arrogante la preuve d’accointances avec des cercles protecteurs haut-placés qui auraient, d’après les mêmes avis, décidé de barrer la route du Qatar à la sélection algérienne.

La chorba de cette année aura donc un arrière-goût amer surtout que le rêve secrètement caressé par 45 millions d’âmes pour l’annulation du résultat de la rencontre et sa réédition semble définitivement compromis. La Fifa n’est pas une association de quartier, mais une puissance planétaire qui se soucie peu des sentiments blessés des populations lorsque ceux-ci peuvent déranger son fonctionnement.

L’intérêt des Algériens se reporte donc sur leur réalité quotidienne qui va leur paraître un peu plus morose et dure comme le football, pour paraphraser Gianni Infantino, le président de la Fifa. Les prix des aliments ont flambé ces derniers jours puisque les commerçants savent que le mois de la piété et aussi celui de la surconsommation. Déjà éprouvés par la dégradation continue de leur pouvoir d’achat depuis des années, les ménages paieront une facture encore plus salée durant le ramadan. D’ailleurs, dans ses vœux adressés vendredi à la nation à l’annonce du mois sacré, le président de la République a exhorté ses administrés à se serrer les coudes. Il les a appelé à “renforcer les liens de solidarité et de fraternité” et à “éviter la consommation excessive et le gaspillage, au moment où plusieurs pays souffrent d’une pénurie d’approvisionnement et de la malnutrition, voire de famine, dans un contexte mondial marqué par des mutations profondes”.

Péché capital

Abdelmadjid Tebboune a, d’autre part, recommandé aux commerçants de faire preuve de clémence envers leurs “concitoyens et concitoyennes” et de réfréner leur pulsion de cupidité. Toutefois, même le saint coran abondamment récité tout au long de la période du jeûne et dans la soirée ne dissuade pas les marchands véreux de commettre ce péché capital.

Les travailleurs ne sont pas exempts, eux non plus, de reproches. La privation de nourriture, de sommeil pour certains, diminue considérablement leur rendement. Les uns s’absentent, les autres s’avachissent, et une troisième catégorie, comme c’est le cas des bureaucrates peu scrupuleux, renvoie les affaires courantes à l’après Aïd El Fitr.

L’adaptation au nouveau régime alimentaire et au déplacement des activités de socialisation en soirée perturbe également le métabolisme et donc les comportements d’une grande partie des individus. L’agressivité augmente et les rixes, qui éclatent pour un oui pour un non, se multiplient. Les accidents de la circulation connaissent, par ailleurs, un pic en particulier à l’approche de la rupture du jeûne quand les automobilistes appuient sur l’accélérateur pour arriver à temps à la maison.  

L’autre difficulté qui empoisonne l’existence des habitants, en premier lieu les mères de famille, concerne les coupures d’eau. Le liquide vital est rationné depuis une année sans que les autorités n’arrivent à trouver de solution durable au problème.   

Le 25 juillet 2021, “le président Tebboune a donné des orientations pour procéder, dans les plus brefs délais, au lancement de projets de dessalement d’eau de mer dans l’Est, l’Ouest et le Centre du pays”, selon un communiqué du Conseil des ministres. Cinq grandes stations d’une capacité de production de plus de 300.000 M3/jour chacune devaient être ainsi construites, mais neuf mois plus tard rien ne semble avoir été fait. Il y a huit jours, Tebboune a de nouveau rappelé que “la sécurité hydrique en Algérie ne saurait se réaliser sans le dessalement de l’eau de mer, d’où l’impératif d’accélérer l’entrée en exploitation des cinq stations de dessalement”. Il a, en parallèle, ordonné “l’arrêt de toutes les opérations de forage de puits destinés à approvisionner les réseaux d’alimentation avec les eaux souterraines, dans l’objectif de préserver les réserves stratégiques et de protéger la flore contre les risques écologiques”. Il a, en outre, souligné la “nécessité d’une gestion optimale des eaux de barrage de manière à assurer une distribution équilibrée entre les wilayas”.

Une participation à la coupe du monde 2022 aurait, un tant soit peu, adouci le caractère rugueux de la vie des Algériens qui ont tant espéré présenter à l’humanité entière une génération dorée de footballeurs. Mahrez, Belaïli, Bennaceur, Bensebaïni et leurs autres joueurs de talent ne seront pas de la campagne qatarie. Ils sont également tristes que le parcours somptueux de Djamel Belmadi, nommé par eux “ministre du bonheur”, se soit brutalement arrêté. C’est pourquoi le ramadan de cette année, qui, de surcroît, est marqué par une pandémie décidée à jouer les prolongations, sera l’un des plus éprouvants. En plus des contraintes physiques, il porte un coup fatal à un autre péché capital largement répandu ici : l’orgueil souvent mal placé.

Mohamed Badaoui 

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