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Fouad Soufi dresse un sévère réquisitoire contre le DG des Archives nationales : «Chikhi interdit l’accès à des documents sur la Guerre de libération»

Aujourd’hui à la retraite, Fouad Soufi, ancien inspecteur du patrimoine, ancien sous-directeur des normes à la direction générale des Archives nationales et directeur des Archives de la wilaya d’Oran, dit ne plus pouvoir garder le silence. Il dénonce publiquement la gestion des Archives nationales à l’ère de Abdelmadjid Chikhi.

L’historien Fouad Soufi s’en est pris violemment, dans une diatribe publiée sur sa page Facebook, au patron des Archives nationales, Abdelmadjid Chikhi, qu’il accuse de bloquer l’accès à des documents diplomatiques sur la Guerre de libération, rédigés entre 1954 et 1962. La consultation de ce fonds, remis officiellement le 23 juin 2020, par l’ambassadeur de France à Alger, serait ainsi interdite aux chercheurs et aux journalistes sous le prétexte de l’élaboration en cours d’instruments de recherche qui permettent leur exploitation.

M. Chikhi, l’alter ego de l’historien français Benjamin Stora sur le débat mémoriel qui oppose l’Algérie et la France autour de la colonisation, bloque l’accès à ce gisement et décourage, selon l’auteur du réquisitoire, tous ceux qui veulent en prendre connaissance.

Aujourd’hui à la retraite, Fouad Soufi dit ne plus pouvoir garder le silence. « On ne peut continuer à se taire au risque d’entendre nos pères nous dire : Tu n’as pas été un homme, mon fils !», en paraphrasant, mais en l’inversant, le poème de Rudyard Kipling qu’il cite abondamment dans son texte.

Avec une forte émotion, il accuse le directeur général des Archives nationales d’empêcher les Algériens de connaître « la trace, le fruit, les combats et les espérances des générations d’hier et celle d’aujourd’hui ». Il soupçonne que derrière cette fin de non-recevoir se cache une mauvaise intention. « Rien n’interdit, dès lors, écrit-il, de penser qu’il y a là une sorte de message, une sorte d’avertissement sans frais à toutes celles et ceux qui voudraient consulter ces archives ».

Un alibi qui ne tient pas la route

L’alibi de la mise en place d’instruments d’exploitation ne tient pas la route, selon lui. « Attendre donc que l’instrument de recherche soit réalisé est, de façon formelle, un excellent argument pour une cause qui n’est pas forcément honorable » s’insurge-t-il.  « Il est bon de lire l’intérêt de M. Chikhi pour la rédaction des instruments de recherche : c’est-à-dire ces inventaires et ces répertoires qui facilitent la recherche de l’information dans les fonds d’archives », écrit-il avec une pointe d’ironie. « Par contre, il est impossible d’imaginer un seul instant que les Archives diplomatiques du ministère français des Affaires étrangères, créées en 1680 et ouvertes depuis 1830, n’aient pas réalisé cet instrument de recherche pour, qu’aujourd’hui, cette tâche soit confiée à nos archivistes ! Que vont-ils pouvoir faire de plus que ce qui a déjà été fait avant eux par leurs collègues français ! »

Soufi rapporte aussi que le DG des Archives aurait également avancé l’idée que le rapatriement de ces copies (qui ne sont pas des originaux) n’entrait pas dans le cadre d’une « « restitution d’archives». Il s’agirait, selon Chikhi, de « documents appartenant au Quai d’Orsay, c’est-à-dire appartenant au patrimoine culturel français». Soufi lui rappelle, en mettant à témoin l’opinion, « mais alors, que devient l’accord signé le 9 mars 2009 à Paris ? Secret lui aussi ? Ou alors faut-il en demander une copie à l’ambassadeur de France ? Est-il désormais caduc ? »

Cette rafale de critiques acerbes est également ponctuée par une sentence sans appel contre Abdelmadjid Chikhi. En quatorze ans de direction des Archives, celui-ci préfèrerait, peut-on lire dans le pamphlet de l’historien, « consacrer son temps, son énergie » et celle de ses collaborateurs « au montage d’expositions de documents téléchargés sur internet ! »

La déception des historiens

Soufi rapporte aussi « la déception des historiens ces dernières années » avant de s’interroger s’il faudra

« attendre 250 ans » pour accéder aux archives « ou simplement appliquer et faire appliquer les dispositions de la loi de 1988 relative aux archives nationales ? »

Pour enfoncer le clou, il raconte « la mésaventure d’un historien algérien qui, après avoir attendu en vain l’autorisation de consulter les traités signés entre le Dey d’Alger et l’Autriche au XVIIe siècle, a eu le toupet de s’adresser aux Archives nationales d’Autriche ! Lesquelles se sont fait un plaisir de lui donner des copies. Il a été accusé d’avoir publié des secrets d’Etat ! Rien que cela ! »

Il regrette par ailleurs que la direction générale des Archives nationales « se résume aujourd’hui à un seul personnage. Plus de directeurs, plus de sous-directeurs ! Tous poussés à prendre leur retraite (…) Nombre d’archivistes et administrateurs du centre des Archives nationales se sont empressés de prendre une retraite ou essaient de le faire ou ont été poussés à la prendre ! »

L’ancien sous-directeur des normes aux Archives nationales et directeur des Archives de la wilaya d’Oran met en garde contre « l’agonie, sur la mort lente que l’on finit par croire programmée, de la direction générale des archives nationales. Cette agonie est certes terrible à vivre, mais elle peut être vaincue ».

Il note aussi que les Archives nationales (direction générale et centre des Archives nationales) « ont reculé dans tous les domaines tant au niveau national qu’au niveau international. Tous les acquis, toutes les places conquises, tant dans le pays (archives des collectivités locales et des administrations centrales) que dans les instances archivistiques internationales – Conseil international des archives (ICA), et sa branche arabe, l’Arabica – ont été abandonnés l’un après l’autre. »

Mohamed Badaoui

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un commentaire

  1. Je suis vraiment curieux de savoir le nombre d’article scientifiques publiés par M. Chikhi ? Je n’ai jamais eu le plaisir de “croiser” un de ses écrits. Il faut le faire … surtout quand on est directeur des archives nationales. Entre un “Mouarekh” et un … Mouterekh, il y a plus qu’un thé (t) à la menthe, il y a des abysses insondables ?

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