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Foot et fuite de cerveaux : l’échange inéquitable

Le choix de Houssem Aouar d’intégrer l’équipe d’Algérie a créé une levée de boucliers en France. Dans l’autre sens, chaque année, des milliers de diplômés algériens sont attirés dans ce pays sans que cette hémorragie de cerveaux choque les bonnes âmes.    

Le milieu offensif de l’Olympique lyonnais a pris la décision «du cœur», comme il l’a justifié, de jouer pour l’équipe nationale d’Algérie, celle du pays de ces origines. Le binational a mis du temps pour se résoudre à porter le maillot des Fennecs. Un attentisme qui lui a été reproché car, disait-on, il espérait rejoindre la sélection française sous les couleurs de laquelle il a évolué de 2017 à 2019 en tant qu’espoir. Il a, plus tard, été appelé par le coach de l’Equipe A, Didier Deschamps, mais il a été rapidement écarté de la liste, comme ce fut le cas d’un autre prodige Nabil Fekir qu’il devait remplacer.

Agé aujourd’hui de 24 ans et sentant probablement sa carrière internationale compromise, Aouar a finalement accepté l’offre de la Fédération algérienne de football en concédant dans une déclaration à la presse qu’il a regretté de n’avoir pas fait le pas plus tôt.

L’amère mésaventure au mondial du Qatar de l’autre grand franco-algérien, Karim Benzema, a certainement pesé sur son choix. Le ballon d’or de l’an dernier et star de Real Madrid a été presque chassé par Deschamps la veille du premier match. Il y a aussi les propos irrespectueux tenus par l’ancien président de la Fédération française de football, Noël Le Graët, contre la légende du sport-roi français, Zinedine Zidane. D’autres grands noms de la balle ronde d’origine algérienne ont subi un sort similaire, à l’instar de Samir Nasri, Ali Benarbia, Nabil Fekir. Ces précédents ont sans doute fait sentir aux jeunes franco-algériens qu’ils sont indésirables dans leur pays de naissance et de nationalité à cause de leur origine raciale, culturelle et religieuse.

«C’est le résultat de l’histoire coloniale de la France»

Une situation résumée par l’entraîneur légendaire Guy Roux qui n’a pas la réputation d’avoir la langue dans la poche. En répondant aux critiques contre la décision de Houssem Aouar, il a tout simplement dit : «C’est le résultat de l’histoire coloniale de la France, qui a colonisé une grande partie de l’Afrique. Ensuite, il y a l’immigration qui est la première conséquence de cet empire colonial. Il y a des joueurs dont les parents sont encore dans d’autres pays. Ces garçons ont des liens culturels et sentimentaux avec le pays de leurs parents ou de leurs grands-parents. Ils sont liés à ces pays. Je le comprends très bien. C’est à nous de faire attention ! Il faut savoir ce qu’on veut et les sélectionner. On a oublié Aouar au moment où il était en grande forme. Il a joué en espoirs mais pas en A. Il a perdu sa forme et joue beaucoup moins bien. C’est tout à fait logique».          

Le cas Aouar sort donc du cadre sportif pour rappeler qu’entre l’Algérie et la France jouer n’est pas vraiment jouer. D’ailleurs, plusieurs ténors du foot sont montés au créneau pour tenter de descendre en flamme le footballeur indélicat à leurs yeux. Des personnalités sportives de premier plan comme Raymond Domenech et Laurent Blanc ont ainsi eu des mots très durs envers lui. Le premier a même exigé que «tous les pays où il y a des binationaux qui forment leurs joueurs devraient pouvoir avoir la priorité jusqu’à 22, 23 ans». La chaîne Cnews connue pour ses positions extrémistes sur l’immigration a, elle aussi, plaidé hier dans un sujet consacré à Aouar un changement de la loi pour empêcher d’autres jeunes binationaux de l’imiter.  

Que dire alors de tous les cerveaux bien formés, dans tous les domaines du savoir, qui sont aspirés par les pays développés et, dans le cas des Algériens, la France en premier ? Des 23 000 étudiants nationaux qui poursuivent leurs études à l’étranger, plus de 90% ont choisi ce pays et la majorité d’entre eux y restera.

On se souvient aussi que, l’an dernier, 1200 médecins ont été carrément recrutés ici sur concours, avant d’être expatriés outre Méditerranée. La France importe également, sans débourser un sou, des ingénieurs, des chercheurs dans toutes les disciplines ; des têtes bien faites que l’Algérie forment depuis son indépendance sans bénéficier d’un retour sur investissement. C’est un parfait cas d’échange inéquitable.

Ali Younsi-Massi

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