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Mostefa Khiati, (Président de la Forem) à La Nation : les chiffres officiels dans tous les pays du monde ne reflètent pas la réalité de la circulation du virus

Les pandémies viennent et repartent, le système de santé reste

Dans cet entretien, le Pr Mostefa Khiati, président et fondateur de la Fondation nationale pour la promotion de la santé et du développement de la recherche en Algérie, a clairement affiché son optimisme quant à la situation pandémique en Algérie, à condition que «le public reste conscient des enjeux ». Sur le plan de la gestion de la crise sanitaire, il pointe du doigt des insuffisances liées, a-t- il dit, non «pas par manque de compétences mais plutôt en raison de la gestion désastreuse du secteur de la santé au cours des 20 dernières années, gestion qui a marginalisé totalement la recherche dans un secteur aussi vital ».

La Nation : Comment analysez-vous la situation pandémique en Algérie ?

Mostefa Khiati : Actuellement, l’Algérie enregistre une baisse graduelle des cas testés positifs, je pense que la situation est encourageante mais si le public reste conscient des enjeux car, comme vous le savez, l’hiver est la saison de prédilection des virus notamment respiratoires et une ré-ascension (un rebond NDLR) n’est pas exclue si les mesures barrières se relâchent.

Que pensez-vous des chiffres officiels ?

Les chiffres officiels dans tous les pays du monde ne reflètent pas la réalité de la circulation du virus SARS-Cov-2 étant donné que 50 à
90 % des gens contaminés restent asymptomatiques. Dans le cas de l’Algérie, une publication de l’INSP a déjà démontré que les cas testés par PCR ne représentaient que le tiers des malades, les deux autres tiers étant diagnostiqués par scanner.

Pensez-vous  que l’Algérie dispose des moyens  adéquats pour faire  face  à une situation aussi compliquée et complexe?

La pandémie actuelle de la Covid-19 a ébranlé les systèmes de santé les plus réputés dans le monde. Dans les pays en développement, les systèmes de santé ont subi un véritable séisme dû au dysfonctionnement dont souffrait leur gestion sanitaire. La Covid-19 quelle que soit sa durée va finir par partir mais d’autres épidémies ou pandémies peuvent apparaître dans le futur. Il est donc urgent de colmater les brèches et d’apporter les correctifs nécessaires pour éviter des problèmes majeurs dans l’avenir. L’un des enseignements de la Covid-19 est d’être réceptif à toutes les suggestions. Autrement dit, il faut que la gouvernance ne soit pas un vain mot.

Qu’en est-il du rôle du Comité scientifique de suivi de l’évolution de la pandémie du coronavirus ?

C’est une expérience qui a eu des aspects positifs et négatifs. L’important dans l’avenir est de ne pas oublier dans un tel comité des aspects importants comme la génétique, la psychologie, la sociologie… Les grandes décisions qui engagent la santé d’un pays doivent être assises sur des compétences réelles. Pourquoi n’a-t-on pas fait appel aux compétences de la diaspora par téléconférence ?

Le gouvernement avait annoncé des enquêtes épidémiologiques, où en est-on ? Avez-vous des échos ?

C’est l’une des grandes interrogations de diverses commissions, comme celle des lits d’hôpitaux, des enquêtes épidémiologiques, des moyens de lutte… elles ont été invisibles et inaudibles. Pourtant la plupart des pays ont bâti leur stratégie sur les tests biologiques et les enquêtes épidémiologiques pour freiner la progression de la pandémie, cela n’a pas été le cas apparemment dans notre pays. Le rôle de l’Institut Pasteur reste une grande inconnue, quel a été son apport ? Pour un Epic, comment expliquer sa présence au sein de la commission scientifique ? Pourquoi n’a-t-il pas dépassé la capacité de 1200 tests/j alors que de petits pays, comme la Jordanie qui en fait
25 000 par jour ?

Pourtant l’épidémie flambe beaucoup plus dans les pays occidentaux, quelle en est la raison, à votre avis ?

Les grandes flambées dans les pays occidentaux sont survenues après les vacances et les grands déplacements de populations. Au début de l’épidémie, ce sont surtout les catégories de la population les plus exposées (personnes âgées et malades chroniques) qui ont payé un lourd tribut : plus de 85 % des décès enregistrés en Europe ont concerné des personnes âgées de plus de 65 ans. Or, on sait que dans les pays occidentaux, la qualité de vie dont bénéficient les populations joue un rôle dans leur longévité, un pays comme l’Italie ou la Belgique qui a enregistré un des taux de décès les plus importants du monde a un taux de personnes âgées le plus important du monde.

Avec la nouvelle mutation du coronavirus, qu’est-ce que vous redoutez pour l’Algérie ?

Les virus se multiplient très rapidement et au cours de ces divisions, ils perdent des fragments de leur matériel génétique ou peuvent faire des recombinaisons avec d’autres virus (c’est-à-dire échanger ou prendre des fragments de gènes d’autres virus). Tant que ces modifications génétiques, même si elles sont très nombreuses, ne touchent pas les fragments essentiels du virus, ce dernier ne modifie pas ses caractéristiques même si la perte de fragments génétiques peut réduire ses capacités comme cela été démontré dans un quart des cas enregistrés en Asie.
En été déjà, un nouveau variant a été identifié en France par l’équipe de Raoult, il serait même à l’origine de la deuxième vague enregistrée en France après les vacances d’été. Un autre variant a été détecté chez les visons au Danemark et de crainte qu’il ne se diffuse à l’homme, le pays a dû sacrifier 17 millions de visons. Il y a certainement eu plus d’une dizaine de variants au cours des derniers mois mais, apparemment, ces nouveaux venus n’ont pas eu un comportement très différent par rapport à la copie originale du SARS-Cov-2.
Le variant enregistré au Sud du Royaume Uni paraît, quant à lui, responsable d’une diffusion plus rapide du virus, la modification génétique semble avoir intéressé sa protéine S qui est la clé qu’utilise le virus pour entrer dans une cellule humaine. Cette rapidité d’infection est prouvée, ce qu’on ne sait pas, par contre, dans l’attente des études en cours, si ce variant est plus virulent (plus de malades hospitalisés et plus de décès) et si sa nouvelle composition génétique le rend-il non récepteur aux vaccins en cours d’utilisation.

Une déclaration de l’Unicef a mis l’accent sur l’impact néfaste de la pandémie sur l’enfant. Qu’en pensez-vous ?

Oui absolument, les effets de la pandémie ont été désastreux pour les enfants parce que les grands ont oublié que les enfants ont besoin d’espace. Ils veulent courir, jouer, aller à l’école. Dans beaucoup de pays, le confinement drastique leur a porté un coup sévère. On a enregistré des problèmes psychologiques. La Forem a d’ailleurs été l’une des premières voix à signaler cette situation, elle a, en partenariat avec l’ONPPE, mis en place une plate-forme d’écoute qui a permis à des milliers d’enfants de s’exprimer.

L’Algérie n’a pas encore choisi un vaccin ? Pourquoi ce retard ? Quel serait, à votre avis, le vaccin le plus adéquat ?

Comme les pays du tiers monde, l’Algérie n’a pas la capacité de tester un vaccin ni de le valider lorsqu’il est mis sur le marché. Elle a adhéré au Covax sous la houlette de l’OMS avec 180 autres pays pour essayer de garantir son approvisionnement tout en s’assurant de la sécurité du vaccin. Ce n’est pas par manque de compétences mais plutôt en raison de la gestion désastreuse du secteur de la santé au cours des 20 dernières années, gestion qui a marginalisé totalement la recherche dans un secteur aussi vital. Pour ce qui est du vaccin le plus adéquat, il y a aujourd’hui quatre types de vaccins mais un seul répond à la définition de l’OMS : vaccins fait à partir de virus atténués ou tués, les autres sont plutôt des thérapies géniques. C’est difficile de faire un choix a priori car de nombreux critères entrent en ligne de compte (efficacité, durabilité, sécurité, prix…) Il faut confronter les avis des uns et des autres pour arriver à un consensus.

 La date que vous préconisez pour le début de la vaccination en Algérie ?

Finalement, le gouvernement a pris la décision de commencer à vacciner en janvier

 Entretien réalisé par Samia Acher

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