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Mohamed Sami Agli président (du CAPC) à La Nation :  « l’entreprise vit des moments très sombres »

Mohamed Sami Agli a été élu en mai 2019 président du Forum des chefs d’entreprises (FCE) lors d’une Assemblée générale ordinaire élective. Ainsi, Il devenait patron des patrons de cette organisation, dirigée auparavant par l’homme d’affaires Ali Haddad, qui purge actuellement une lourde peine d’emprisonnement. Nouvel air oblige, le FCE devient désormais, la Confédération algérienne des patrons citoyens (CAPC). Dans cet entretien qu’il a accordé à La Nation, Sami Agli parle d’une situation catastrophique pour les entreprises algériennes et tire la sonnette d’alarme. Pour lui, l’entreprise vit des moments très sombres et très durs.
Réaliste, il brosse un tableau on ne peut plus sombre de la crise économique que vit le pays. Optimiste et pragmatique, il dit que des solutions existent pour sortir l’Algérie de « ces moments difficiles ». La solution passe selon lui par une entreprise en bonne santé, génératrice d’emplois et capable de soutenir le pouvoir d’achat clé de voûte de toute économie.

Comment va la situation économique en Algérie ?

La situation économique est catastrophique. Notre économie dépend des hydrocarbures, elle est vulnérable, dépendant de la commande publique. Cette situation était prévisible, et malheureusement le temps a donné raison aux prévisions. La situation de toutes les entreprises, tous secteurs confondus, est réellement inquiétante.

Peut-on connaitre les entreprises les plus touchées ?

Celles qui sont les plus touchées et les plus vulnérables sont les PME et les TPE. Les entreprises des services et les entreprises dans le domaine du tourisme, les entreprises dans le domaine du bâtiment, le secteur de l’hôtellerie etc. Ce qui est certain, la situation est aujourd’hui très complexe. Nous avons évoqué cet état de fait le mois de mars dernier et on pensait qu’on allait s’en sortir dans les deux à trois mois qui suivent. Nous sommes en mois de novembre et nous n’avons pas de visibilité quant à la sortie de crise. On ne sait pas pour combien de temps encore l’entreprise algérienne allait tenir .

Ce qui se fait pour le moment n’est rien qu’une sorte de solidarité et des actions pour maintenir l’activité économique. Mais il faut avouer que l’entreprise est à bout de souffle. Pis encore, la situation se complique.

 Que pensent les chefs d’entreprises de cette situation ?

Nous avons des témoignages alarmants de la part des chefs d’entreprises et avons constaté que plusieurs entreprises ont carrément cessé leur activité et ont libéré le personnel. La machine économique tourne au ralenti. En 2019, nous avons eu affaire à une année blanche pour le patronat.

Quelles solutions proposez-vous ?

Il est urgent de penser et mettre en œuvre un plan de sauvetage des entreprises privées. J’en ai parlé à maintes reprises. Car, il faut se l’avouer : La situation est vraiment inquiétante et il me semble judicieux et urgent de tirer la sonnette d’alarme. Je l’ai dit et je le répète, il faut à tout prix mobiliser autant d’énergie et de ressources que ce fait pour lutter contre la covid 19. Le défi est de sauver l’entreprise algérienne.La solution pour cette crise algérienne et pour l’avenir de l’Algérie est certainement du côté politique et la locomotive pour cette Algérie nouvelle à notre sens est l’entreprise.

Avez-vous fait état de cette situation au gouvernement ?

  Nous avons fait plusieurs propositions et plus d’une fois au gouvernement. D’abord les mesures d’urgence. En mois de décembre d’abord et en mois de février nous avons remis au gouvernement nos propositions pour la révision du code de l’investissement et la distribution du foncier et nous avons encore une fois rappelé les mesures à prendre en urgence pour accompagner l’acteur économique comme première phase et la deuxième phase qui est plus importante est la gestion de l’après covid.

 Comment se préparer pour l’après covid ?

L’Algérie doit se préparer et s’adapter avec la réalité de demain que vivra l’entreprise après cette crise du covid. Oui sur le plan de la volonté politique, nous avons constaté effectivement que cette dernière existe. Mais la problématique pour le gouvernement est de gérer cette crise financièrement et du côté de la trésorerie. En effet, il y a eu des mesures d’accompagnement à l’instar du report des paiements mais est-ce suffisant ?

Vous avez une réponse à cette question ?

  Evidemment, ce n’est pas suffisant, pis encore, ces mesures n’ont pas été généralisées. Partiellement, c’est une solution mais pour une bonne santé de l’entreprise économique il faut vraiment plus. En plus, un report de paiement sur deux ou trois mois n’est pas une solution. De toutes les façons, on sera face à une dette qui s’accumule et qu’il faudrait honorer.

Comment faire alors ?

La solution, à mon avis, est de soutenir l’entreprise pour une bonne reprise d’activité. Aider temporairement l’entreprise est, il est vrai, une solution d’urgence mais sur l’échelle d’une activité rationnelle de l’entreprise dans une bonne économie, elle n’est nullement une solution adéquate. Ces mesures risquent de donner naissance dans un avenir proche à des entreprises endettées. Le report était une solution au début pendant quelques mois. Il ne l’est plus maintenant. On doit se rappeler que durant l’année 2019 l’entreprise algérienne n’a bénéficié d’aucune aide, l’année 2020 est réellement complexe pour l’entreprise algérienne. Il me semble qu’il est urgent de prendre des mesures très courageuses et adéquates pour le maintien de l’activité économique, c’est à dire la préservation de l’emploi, sauver le pouvoir d’achat qui est la solution pour toute économie dans le monde et conséquemment booster ou créer de la croissance. Notre économie est en train de s’effondrer. La réforme économique n’est pas un choix, mais une obligation. La situation est compliquée et nous la ressentons de jour au jour. Nous avons alerté les pouvoirs publics. Il y a des secteurs sensibles qui nécessitent réellement un électrochoc pour une reprise rapide. On ne peut prétendre à un avenir économique meilleur sans cette relance économique, tant demandée par les Algériens. Il est clair. On doit d’abord sauver nos entreprises qui commencent à ressentir le poids de la crise. Nous avons des signaux très négatifs venant des sociétés qui existent depuis des années ayant les moyens de payer leurs engagements. Des entreprises sont aujourd’hui à l’arrêt. La réalité est là, l’entreprise vit des moments très sombres et très durs.

Malgré cette situation catastrophique, y a-t-il des raisons d’être optimiste ?

Oui évidemment. Tout en faisant ce constat, je demeure optimiste quant à l’avenir. Cet optimisme vient d’abord de la volonté politique affichée de la part des plus hautes autorités du pays d’opérer un changement radical de notre modèle économique et mettre les jalons d’un autre modèle basé sur l’équité, la justice « économique » et sociale, les standards aux normes internationaux. C’est ce qu’on aspire et c’est ce qu’on souhaite. L’autre source de notre optimisme est le potentiel du marché algérien. Notre marché est tout simplement extraordinaire.

Puisque notre marché est extraordinaire, pourquoi alors l’entreprise souffre ?

La bureaucratie, présente à tous les niveaux, bloque les initiatives et la libre marche de l’entreprise.  C’est frustrant pour nous, acteurs économiques de constater que le potentiel existe mais une bureaucratie obsolète le bloque. C’est maintenant plus que jamais qu’il faut apporter des réformes profondes radicales pour mettre la question économique au centre des priorités du pays. Car, encore une fois, si l’activité économique reste à l’arrêt, on aura besoin de beaucoup de temps et de moyens car on risque de vivre des crises graves pour le pays.

 

Entretien réalisé par Idir Dahmani

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