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Insécurité : des signaux inquiiétants

Alors que le pays est en pleine houle sous l’effet d’une profonde crise politique et d’une autre économique, trois faits divers ont révélé ces jours-ci la violence des rapports au sein de la société.

En quelques jours, trois cas de violation de domicile dont deux avec agression sur des femmes, de surcroît enseignantes, ont secoué le pays. Le premier, particulièrement dramatique, a eu lieu au fin fond du pays, à Bordj Badji Mokhtar, dernière terre algérienne avant le Mali.

Des individus dont on ne sait encore rien ont attaqué des éducatrices à l’intérieur de leur domicile de fonction pour les voler et les violer. Cet acte se révèle d’autant plus abject lorsqu’on sait que ces dames travaillaient très loin de chez elles au profit des enfants de cette région reculée du Sahara.

Peu de temps après, cette fois-ci à Biskra, d’autres institutrices qui partageaient, elles aussi, un logement d’astreinte, ont été molestées et dépossédées de leurs biens par un délinquant. L’assaillant a investi l’appartement, situé dans un quartier réputé malfamé, et menacé ses occupantes avec une arme, semble-t-il.

Presque au même moment, au Boulevard Bougara qui mène à El Biar dans les hauts d’Alger, un autre fait divers défrayait la chronique. Un groupe d’individus se sont introduits de force dans un domicile privé appartenant au fils du célèbre footballeur algérien Ali Bencheikh et filmé son intérieur avant de poster la vidéo sur les réseaux sociaux. Cette scène choquante s’apparentait à un lynchage. Elle a été commise par des « justiciers » autoproclamés qui prétendaient assiéger des « clients » réfugiés dans la salle de bains dans ce lieu transformé, selon eux, en maison close par son propriétaire.

De nombreux habitants de la cité Pacha ont participé à l’opération et ont soutenu le Zorro de la morale qui a lancé l’assaut. Et c’est la proie, en l’occurrence Ali Bencheikh, qui, pour se disculper, a dû se justifier devant la caméra de la chaîne de télévision où il travaille.

Déliquescence

Les trois affaires jettent un éclairage singulier sur l’état de déliquescence dans lequel se trouve la société algérienne qui baigne dans un mélange de religiosité, souvent d’apparat, concomitant d’une immoralité grandissante. Au niveau des discours, à l’instar de ce qu’on entend ces jours-ci à la campagne électorale, Dieu est invoqué à chaque tournure de phrase. Dans la réalité, cependant, les attitudes contredisent les préceptes les plus sacrés de l’islam.

La violence physique et verbale est devenue monnaie courante. L’insécurité tend à augmenter. Le harcèlement sexuel se propage. L’escroquerie, la malhonnêteté, la corruption, les trafics en tout genre, la spéculation suivent une courbe ascendante.

Ainsi, durant le ramadan, les mandataires des fruits et légumes dont la majorité affichent une piété au-dessus de tout soupçon ont, comme à l’accoutumée, enflammé les cours des denrées alimentaires de base. C’est pour eux l’occasion de réaliser de juteux bénéfices sur le dos des citoyens au moment où l’inflation enfle et le niveau de vie général ne cesse de se dégrader. Si elles se poursuivent, ces pratiques menacent de mettre le feu aux poudres en créant des troubles sociaux liés à la difficulté de se nourrir qui frappe une grande partie de la population.

Evidemment, la religion n’est en rien responsable de la montée de la délinquance ni de l’inflation de l’hypocrisie ambiante. Les voyous ne la considèrent pas comme un frein à leurs menées et les tartuffes s’en servent comme d’un paravent. Certains d’entre eux agissent d’ailleurs en soi-disant gardiens de la morale pour mieux couvrir leurs propres méfaits. Sous prétexte de purifier le pays du péché, ils s’érigent parfois en magistrats plénipotentiaires, accusant à la place des procureurs et condamnant à la place des juges.

En perte de repères, la société vit une profonde crise de valeurs. La remontée des eaux usées des années 1990, la corruption des élites particulièrement visible à partir de la décennie suivante, la manipulation du sacré par divers canaux comptent parmi les raisons qui déboussolent l’esprit national.

En tout état de cause, il existe un malaise profond en Algérie qui pollue les rapports en société et empêche un vivre ensemble harmonieux entre les individus et les groupes. L’attaque subie par des enseignantes, censées éduquer les générations en formation, est lourde de sens. Elle témoigne du degré d’incivisme et du relâchement des mœurs en Algérie.

Quant au tort enduré par Ali Bencheikh, qui est autant admiré que détesté pour son passé de footballeur et pour ses prises de position de critique acerbe, il pose la question de la protection de la vie intime et de la liberté individuelle. En effet, personne n’est habilité à se substituer à la Justice sinon l’anarchie règnera en maîtresse et la logique du plus fort prendra le pas sur le respect de la loi.

Mohamed Badaoui

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