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Contribution : autisme, dénis du réel

L’une des fonctions d’un pouvoir politique est d’éviter l’éclatement de la société en facilitant le dialogue entre les groupes lorsque les intérêts divergent et lorsque les voies de sortie de crise sont perçues différemment.

Depuis l’avènement de l’indépendance, les hommes qui se sont succédé au pouvoir, piégés dans un système de gestion rigide qui les empêchait de sortir de leur bulle embuée pour s’accorder une vision sans concession sur l’état de la Nation et sur l’évolution de la société, finissent par s’accommoder soit d’un statuquo soutenu par une aisance financière soit d’un statut d’Etat providentiel dans une ambiance de dénonciation d’un bouc-émissaire responsable des échecs. Les conclusions de leurs règnes révélaient immanquablement, soit la fausse route qu’ils empruntaient, soit une gestion rudimentaire des affaires du pays, ou encore une incapacité à assumer leur responsabilité face aux difficultés à mettre en œuvre leurs engagements envers le peuple… en tout état de cause, l’absence d’anticipation ou l’appréhension inconsistante à remettre en cause le mode de gouvernance du pays. Sous les appels insistants du peuple, tous, en fin de règne, se résolvent à entrevoir la possibilité de revoir leur modèle de gestion autoritaire. Boumediene annonçait un congrès salutaire ; Chadli entamait des réformes… ; Zeroual démissionna en plein bataille ; Bouteflika demanda à rallonger son mandat pour initier ce qu’il ignora durant vingt ans … et ceux qui tentèrent une réponse à l’appel du peuple autant que ceux qui osèrent révéler la corruption qui commençait à gangréner le sommet de la hiérarchie furent écartés et jetés en pâture. Force est de constater que le changement des hommes, forcé et parfois tragique, à la tête de l’Etat ne fut pas la solution pertinente aux crises qui se succèdent et se ressemblent. Pourtant, l’avènement de ces changements ne manquait pas, à chaque fois, de susciter espoir et optimisme au sein de la population. A chaque fois, l’euphorie populaire s’estompe aussitôt le candidat intronisé comme si son programme venait d’être subitement vidé de sa substance. Le peuple se résigne « Allah ijib el kheïr ». D’où le malaise exprimé par la question lancinante de qui dirige le pays ? En d’autres termes quelles forces ou qu’est-ce qui empêche l’émergence de leadership reconnaissant et valorisant envers ce peuple en lutte pour la liberté depuis la nuit des temps ? Car, au final, que demande le mouvement populaire sinon une reconnaissance sociale, la valorisation de ses revendications légitimes dont la confiance en soi, l’optimisme et la résilience envers l’adversité et les défis en sont les corollaires.

Encore une fois, le 22 février 2019, le peuple investit la rue pour faire entendre ses solutions à cette énième crise. Encore une fois, le pouvoir pense endiguer la crise par une élection présidentielle. Ce processus invariable et illusoire renvoie au Mythe de Sisyphe.

Sans moyens de se protéger et sans représentation, cette révolution n’a pas eu l’impact attendu.

En lieu et place d’un dialogue national inclusif qui ne manquera pas de mettre face à leurs responsabilités les acteurs visibles sur la scène nationale, de rétablir la confiance perdue et d’isoler les aventuriers animés par leurs intérêts égoïstes, exacerbant les antagonismes poussant, en coulisses, à un face à face regrettable Hirak-pouvoir, ce dernier opte pour l’intimidation à travers des accusations aussi graves qu’infamantes à l’encontre de personnalités nationales dont le tort est d’avoir cru pouvoir apporter une contribution à la recherche d’une voie de sortie de crise pour le pays. La répression n’épargne ni les vaillants combattants de l’ALN ni les hauts cadres de l’ANP retraités, propres et intègres, ni les jeunes activistes du mouvement populaire. L’appréciation des chefs d’accusation varie d’un tribunal à l’autre. L’arbitraire des sentences prononcées pour les mêmes accusations compromettent le principe sacrosaint de l’équité. La justice, fondement supposé de l’Etat de droit, garante des libertés publiques, se trouve dévoyée.

Les arguments avancés, par le pouvoir, contre toute évolution restent les mêmes depuis l’indépendance du pays : menaces sur la  sécurité nationale, tentatives de déstabilisation et éclatement de la cohésion nationale par des groupes infiltrés à la solde de puissances étrangères. Les médias inféodés, la justice, les services de sécurité, chacun en ce qui le concerne, étale ses moyens de dissuasion pendant que le mouvement populaire, qui inscrit son action dans la légalité constitutionnelle, l’invite au dialogue.

Rassembler le peuple autour d’un idéal commun et d’un destin partagé, est l’une des conditions vitales à laquelle tout pouvoir doit s’atteler pour consolider les fondements de la nation. Car un pouvoir averti ne peut réduire la mobilisation de ses citoyens autour d’aspirations légitimes et de revendications objectives comme simplement un défi à son autorité.

Œdipe, roi de Thèbes, cherchant à contrer les malheurs de sa cité, découvre qu’il en est la cause ; ce sont ses propres agissements qui ont provoqué la colère des dieux.

Mohamed Khalfaoui

Off./ANP, retraité

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